mercredi 22 octobre 2008

le reve d'eric

Je me suis levé vieux un matin. Mon visage dans le miroir, ce n'était pas le mien. Il était ridé, j'étais chauve, mes yeux bleus creusaient autour d'eux des sillons si profonds qu'ils semblaient ajouter une autre dimension à mon visage. Je regardais mes mains, brunes et cassées, les doigts courbés qui me servent si mal aujourd'hui; je regardais mes avant-bras devenus flasques; je me suis levé vieux ce matin.

Aurais-je passé tout droit? Aurais-je oublié que la vie me rattraperait au détour d'un miroir, que mon corps devienne une enveloppe de papier froissé autour de mon âme qui elle serait resté jeune? J'avale difficilement le poids des années mais plus encore, plus troublant et plus douloureux est le constat que le film de ma vie, je ne peux le rembobiner. Aucune possibilité de le revivre, de le modifier et le générique commence déjà à se dérouler.

Mon esprit est resté sur le plancher de danse, une valse nous faisant tourner, pendant que les projecteurs derrière moi passent ma vie en accéléré: mes départs, mes matins, mes nuits, mes amours qui disparaissent et vieillissent, un chapelet de petis instants qui défilent à une vitesse folle pendant que je danse avec elle dans mes bras, insouciant.

Des perles de couleurs éblouissent l'écran: le rose des joues de mes filles toutes bébés, le blanc si pur de leurs petites dents d'enfants, le blond doré de leurs cheveux, le bleu si profond de leurs yeux qui m'observent et m'admirent... le rouge vif des briques de ma première maison, le gris sombre de mes colères, le noir de mes déprimes... le violet de son rire, les éclats de son bonheur à coté du mien... le beige clair de sa chair contre la mienne, le pourpre de nos tensions... Des perles multiples de la couleur de ma vie et maintenant elles s'enlignent tel un collier qui m'étouffe parce que les couleurs s'éteignent doucement. Et moi les ais-je vues? admirées? appréciées alors qu'elles s'ouvraient devant moi?

Je dansais une valse avec elle pendant que ma vie défilait, pendant que je ne me rendais pas compte des années qui coulaient au rythme des secondes en croyant que j'aurais tout le temps, j'aurais toujours la chance de me reprendre et lui dire que je l'aime...

Mes peurs et mes retraits, mes réticences à vivre, toutes les fois où je leur ai fait mal, toutes les occassions ratées de les prendre dans mes bras s'accumulent et semblent une montagne. Juste à côté, le petit monticule des moments de tendresse, de mes ouvertures à elles, de mes abandons.

Je me suis levé vieux ce matin et elle n'était plus la depuis un an.

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