mardi 11 novembre 2008

Bonne fête mon fils

Bonne fête mon fils
Tu es si loin
mais si prêt, si près.
Tu remplis déjà mes espérances
les soleils t'ont bien nourri
et je n'en ai pas mérite.

Bonne fête mon petit
Dommage que tu sois si loin
mais ce n'est que pur égoïsme
Te voir devenir
aurait été magnifique
mais je n'en ai pas le quotidien

Bonne fête mon grand
Je me souviens de tes présences
où tu grandissais à tout rompre
bébé kangourou dans ma poche
je t'ai aimé tellement que je t'ai laissé aller
et je t'aime encore mon fils.

Bonne fête mon homme
As-tu été heureux de l'enfance qui se termine?
En as-tu profité?
Devant toi la vie s'ouvre à plein cieux
Sur ce monde que j'appréhendais lorsque tu étais tout petit
tu es fort maintenant et j'ai le bonheur de te dire
Je t'aime encore mon fils.

lundi 3 novembre 2008

les retours trop difficiles

J'ai des cactus au coeur

de chaque épine provenant de ce pays

d'où ils sont revenus en bataille

d'où ils sont revenus mais pas tout à fait


J'ai des cactus au coeur

meurtri de chaque enfant qui ne reconnaît plus papa

blessé de chaque femme qui se donne à donner

coupable que je suis de me reconnaître en elles


J'ai des cactus au coeur

le sable dans son engrenage provient d'un désert de leurs émotions

émotions perdues dans ces chemins du combattant

perdues dans le retour inadapté


j'ai des cactus au coeur

de vous entendre vous déchirer

de sentir votre impuissance venir enrager la mienne

de pleurer vos larmes


J'ai des cactus au coeur

qui ne fleurissent pas

qui s'enracinent dans leur noirceur

de leurs habitudes de retrait


Vouloir un par un leur dire qu'on les aime mais qu'on en peut plus

Les secouer jusqu'aux os et en sortir quand même vainqueurs

Les replacer devant ces miroirs bosselés d'où ils ne se reconnaissent plus

Les empêcher de se morceler l'image


Entre nous

emprunter chacunes nos âmes et se dire que l'on se toucherait si l'on pouvait

cueillir nos forces et leur redonner

les empêcher de s'excuser d'exister


Je suis chacune d'elle, je suis toutes celles

Et vous êtes moi



jeudi 23 octobre 2008

Screams (pour une amie)

J'ai des cris dans la tête... Jaunes et rouges, comme les photos d'Hiroshima seulement c'est ma vie qui brûle...

J'ai trouvé la pureté et l'ai salie; le soleil me fut offert et je suis partie me cacher; le baiser du vampire s'approchait, me présentant son éternité et je n'ai su que voir le sang qui le précèderait.

Chaque partie de mon âme est une île isolée, séparée et ma douleur est l'océan entre elles... Ma douleur et mes peurs, ma douleur et mes putains de peur. Je ne peux plus connecter les points de ma propre image: j'aurais l'air d'un monstre.

Le rencontrer a crevé ma bulle. Ce fut immédiat, comme s'il était une épingle qui l'a simplement traversée. Soudainement, j'entendais à nouveaux, voyais à nouveau, touchait et était touchée à nouveau... Son âme était collées à la mienne, je pouvais la sentir s'y ajuster si parfaitement, deux morceaux d'un casse-tête différent mais qui miraculeusement montraient une image qui faisait du sens pour nous, était claire pour nous, on se fout bien des autres, on se fout bien des étrangers puisque nous n'étions enfin plus seuls.

Il su toucher mes cicatrices de ses mots, et contrairement à tous les autres, tous ceux qui n'avaient de cesse de gratter pour voir ce qu'elles recouvraient, ces cicatrices, il les a couvertes de mots, assurant que tout irait bien, que tout disparaîtrait un jour. Ce fut brûlant. Un feu délicieux, comme donner naissance, parce que l'on sait d'instinct que le résultat fera oublier le processus...

Il était perdu. Peut-être. Mais sur la terre ferme, à tout le moins. J'étais perdue en pleine mer et l'ai entraîné avec moi. Je suis ma propre tempête, ma propre tornade, mon propre vent faisant tournoyer l'eau qui me noie et m'étourdissant. Je voulais un ancre, voulais sa force à emprunter, juste pour un instant, seulement pour rester un moment dans l'oeil de ma tornade et contempler la paix suréelle qui règne, même en sachant que l'extérieur n'est que destruction. N'est que chaos. Même en reconnaissant la réalité qui faisait rage. Pour m'apaiser de mon éternel étourdissement... Juste un moment.



Les images dans mon esprit sont maintenant rouges et jaunes, criant le feu, criant la destruction, mon vaisseau à nouveau dérive puisque j'ai perdu mon ancre. Peut-être n'a-t-il jamais réalisé qu'aussi longtemps que nous nous soutenions, ni l'un ni l'autre ne serait perdu: il était sur la terre ferme, je l'empêchais de glisser plus bas; nous nous attachions à notre irréalité et maintenant nous sommes deux à dériver. Les vagues me rejettent loin du tranquille oeil de la tempête, le courant m'emporte et ni l'un ni l'autre ne comprend plus pourquoi.

Parti encore

Cette nuit même le vent hurle ton absence
la maison vibre de sa respiration
chaque fente ressent le vide, le froid
et moi je suis dans des draps noirs d'odeur

Le sommeil s'implique si peu
que mes jours en souffrent
tu n'es pas la et cela est toujours étrange
comme une bouffée d'automne qui perd ses couleurs

Ce n'est pas gris comme la mort
il s'agit simplement d'une vie en transparence
Comme un filigrane de mes heures
qui défilent lentement

Mes habitudes remplissent du mieux qu'elles le peuvent
les nuits humides et froides
les saisons se bousculent comme toujours
mes rêves en espèrent encore de nouvelles

Les tempêtes viendront encore fouetter mes murs
pendant que mes fenêtres frissonneront
et que sous les assauts du vide qui m'entoure
j'attendrai.

son retour

Leurs pas lourds même sans la cadence
Identiques
Courbés
Ils rentraient chez eux

Et nos âmes s'étiraient le cou dans l'espoir d'accrocher enfin le bon regard
Celui qui entre tous est familier
Celui qui ne peut être confondu, même enfoui sous l'uniformité sable
Identiques nous aussi dans l'impatience

Que je vous explique dans tous les mots ne servira à rien
Au delà de mille yeux l'on vu, plus de regards que l'on pourrait compter
Il fallait avoir vécu, cette attente fiévreuse, ce décompte cruel
pour saisir l'immortalité dans l'instant où les bras se resserrent

Aucune molécule n'aurait pu tenir entre nos peaux
L'air n'avait plus d'importance
Malgré la foule intense qui respirait
Chacun n'était que deux

L'instinct ne servait qu'à ce moment précis, n'avait d'autre raison d'être
Que de reconnaître le creux de son cou
Que de placer mes bras autour de ses épaules
Que de remettre son odeur sous mon nez
Malgré la foule intense, tous étaient deux
Deux qui ne formaient qu'un
Deux moitiés séparées qui se retrouvaient
Rien autour

mercredi 22 octobre 2008

ma mort

Et si je partais? Pas demain matin, pas dans deux jours, dans six mois, dans dix ans. Là. Maintenant. Si je partais maintenant, à qui manqueraient mes sens, de quelle mémoire m’éteindrais-je? À qui manquerait mon goût, mon odeur, mes rires? Si je m’effaçais dans les bulles de ma bière, si je me coulais dans le noir de mes mille larmes, si je m’évaporais à la chaleur de mes désirs incomblés, qu’adviendrait-il? Rien.

Et rester? Pour faire face à mes creux, les remplir d’un air vicié, les sentir me rentrer dans le ventre comme une foreuse, voir mes creux devenir des océans et y goûter l’iode de mes amertumes? À quoi bon. Rester et ne rien comprendre, rester et continuer à faire semblant, continuer à les voir s’éloigner de moi comme une éternelle marée basse, les regarder m’ignorer, me vautrer de ma transparence?

J’en peux plus de manger tous ces coups, je suis en miettes, je ne me calcule plus tellement les morceaux sont petits et nombreux. J’en ai marre de jouer à ma psychanalyse, je veux juste pleurer et que mes eaux deviennent glaces. Je me voudrais iceberg et fondre en moi-même. Je suis déjà morte et oubliée de toute manière.

Ceux qui m’aiment survivront, je le sais bien, suis bien placée pour le savoir et puis peut-être en seront-il meilleurs. Et un jour ils disparaîtront eux aussi. Il restera plus que des ombres, ni plus ni moins sombres que celles de autres. La mienne s’y mêlera. Mon sang sera aussi perdu que le leur, j’y peux rien. S’il y a une justice, elle est dans la fin. La fin est finale. Pour tous.

le reve d'eric

Je me suis levé vieux un matin. Mon visage dans le miroir, ce n'était pas le mien. Il était ridé, j'étais chauve, mes yeux bleus creusaient autour d'eux des sillons si profonds qu'ils semblaient ajouter une autre dimension à mon visage. Je regardais mes mains, brunes et cassées, les doigts courbés qui me servent si mal aujourd'hui; je regardais mes avant-bras devenus flasques; je me suis levé vieux ce matin.

Aurais-je passé tout droit? Aurais-je oublié que la vie me rattraperait au détour d'un miroir, que mon corps devienne une enveloppe de papier froissé autour de mon âme qui elle serait resté jeune? J'avale difficilement le poids des années mais plus encore, plus troublant et plus douloureux est le constat que le film de ma vie, je ne peux le rembobiner. Aucune possibilité de le revivre, de le modifier et le générique commence déjà à se dérouler.

Mon esprit est resté sur le plancher de danse, une valse nous faisant tourner, pendant que les projecteurs derrière moi passent ma vie en accéléré: mes départs, mes matins, mes nuits, mes amours qui disparaissent et vieillissent, un chapelet de petis instants qui défilent à une vitesse folle pendant que je danse avec elle dans mes bras, insouciant.

Des perles de couleurs éblouissent l'écran: le rose des joues de mes filles toutes bébés, le blanc si pur de leurs petites dents d'enfants, le blond doré de leurs cheveux, le bleu si profond de leurs yeux qui m'observent et m'admirent... le rouge vif des briques de ma première maison, le gris sombre de mes colères, le noir de mes déprimes... le violet de son rire, les éclats de son bonheur à coté du mien... le beige clair de sa chair contre la mienne, le pourpre de nos tensions... Des perles multiples de la couleur de ma vie et maintenant elles s'enlignent tel un collier qui m'étouffe parce que les couleurs s'éteignent doucement. Et moi les ais-je vues? admirées? appréciées alors qu'elles s'ouvraient devant moi?

Je dansais une valse avec elle pendant que ma vie défilait, pendant que je ne me rendais pas compte des années qui coulaient au rythme des secondes en croyant que j'aurais tout le temps, j'aurais toujours la chance de me reprendre et lui dire que je l'aime...

Mes peurs et mes retraits, mes réticences à vivre, toutes les fois où je leur ai fait mal, toutes les occassions ratées de les prendre dans mes bras s'accumulent et semblent une montagne. Juste à côté, le petit monticule des moments de tendresse, de mes ouvertures à elles, de mes abandons.

Je me suis levé vieux ce matin et elle n'était plus la depuis un an.

eric

Et quand je me tourne vers lui, que mes yeux se ferment sous la pudeur de ce qui va naître de ma bouche et je lui chuchote, très bas, sans peut-être même y penser, je sais que les murs, nos murs, vont s’écrouler entre nous sans bruit et que le bonheur viendra.
Je sais que ses lèvres goûteront familiers, qu’il m’embrassera et que je ne voudrai plus qu’il cesse et j’ai raison. Elles le sont. Familières, tendres, douces, sexuelles, intenses. Et j’ai raison, je ne veux pas qu’il cesse, d’ailleurs ma bouche le poursuit dans son lit, ma bouche veut se cimenter à la sienne, elle veut y rester comme à sa place, elle reconnaît.
Et ce fut l’absolu. L’absolu dans cette complicité incroyable, l’absolu dans la confiance qu’il provoquait en mon corps, l’absolu dans la simplicité de mes bras sur ses épaules, mes mains dans ses paumes, mes doigts qui cherchent et trouvent leurs abris dans les siens. Que même ses plus intimes parties me semblent familières, que même les plus intimes caresses viennent à ma bouche comme une évidence, que même mes plus intimes défauts accomplissent le miracle de la jouissance sans timidité, sans limite. Ses élans, débarricadés, ses gestes tendres et larges comme une mer d’envies et de désirs et ma tête qui ne pense plus, ma tête qui arrête d’avoir peur, ma tête qui remercie le ciel de l’avoir posée sur ce corps qui vibre et lui permet de cesser d’exister.

la vieillesse

Vous savez cette lueur qu’ont dans les yeux les vieux couples, ceux qui s’aiment du temps de leur jeunesse encore présente? Vous savez cette sécurité qui émane de leurs mains veinées lorsqu’ils se touchent encore par désir, plus que par habitude? Vous savez ce confort qu’ils dégagent lorsqu’entre eux l’espace semble rapetisser? J’en veux. J’en achèterais à la douzaine si seulement cela se vendait. Et voilà que je m’y reconnais dans sa présence.

Je suis partie avec mes paradoxes, mes complexités et même si je n’y croyais pas vraiment, je suis parvenue à m’intégrer un quotidien. Un quotidien tranquillement rempli de lui, calmement occupé par ses images, ses rires. Je lui ai dit, d’ailleurs, qu’il n’y avait pas suffisamment de lui dans l’univers… À force de rires fous, à force de ne rien faire à deux, j’ai senti se creuser une intensité sexuelle insoutenable, une envie irrésistible de le toucher, de sentir ses haleines, de goûter sa peau, de me prendre de ses mains, de vivre les effets de sa force… Pour mon malheur, il n’avançait pourtant pas. Il ne voyait pas, peut-être, ne voulait pas forer mes murs et me laissait pantelante. Jusqu’à mes timides assauts, jusqu’à mon audace à peine voilée, jusqu’à ce que de pleine voix je lui fasse connaître mon désir.

Déjà juste entre ses bras, posée sur ses côtes, étendues sous ses mains, sous son regard, je me sentais fondre de ce plaisir bouillant de celle qui est à sa place. Et puis juste là, juste nue sous ses draps, dans l’antre de son corps, avec dans ma nuque ses respirs, ses chaleurs, je me sentais possédée par l’étreinte des quotidiens à venir, ceux que je voyais remplir mes rêves depuis quelques temps.

réflexion

Ma vie est incroyable. La mosaïque de mes douleurs, de mes vides, de mes rencontres, de mes choix, s’assemble et déjà j’en vois l’image fabuleuse de celle que je suis. Ma joie ne saurait être plus grande parce que le chemin parcouru fut court mais chargé et que devant moi s’étale un champs vierge et clair.

Je ne peux saisir les amertumes, les regrets de ceux qui regardent leurs hiers; les miens de toutes les couleurs qu’ils furent m’appartiennent comme chacune des années qui me composent, comme chacune des journées, chaque minute. Ma mère, mes enfants; mes amants, mes amours; mes errances, mes obsessions; mes défauts, mes éclats… L’un dans l’autre je fini aujourd’hui par enfin me comprendre et m’ouvrir. Oh, ce n’est pas une explosion, un feu d’artifice! Ce n’est qu’un lent et délicieux lever de soleil, éclairant l’horizon de sa perspective jusqu’à son zénith lorsque soudain on réalise la clarté et l’absence de toute ombre…

Et pour la première fois depuis toujours, illuminée de chaque pore de ma peau, je prends conscience de ce que je vaux et ce que j’offre. D’avoir eu mal pendant 15 ans m’a fait glisser sans conscience réelle de mes choix pendant les quatre ou cinq années suivantes… D’avoir glissé pendant quatre ou cinq ans m’a donné l’envie d’en grimper les suivantes, œillères bien plantées… D’avoir grimpé sans souffler m’a donné envie de m’asseoir et de regarder. De me regarder. De regarder derrière et au-delà.

Curieusement, je ne crois pas avoir eu tort de vivre… Je n’ai pas eu tort de vouloir glisser, grimper, chercher… Ma jeune vingtaine, essentiellement aveugle, m’a donné un fils, m’a permise de comprendre que j’avais droit à l’erreur, droit à mon corps, droit à mes intérêts… Ma plus tardive vingtaine m’a donné ma fille, ma mère aussi. M’a permise de m’explorer, m’affirmer, me chercher parmi mes sens et maintenant je peux déclarer sans rougir que ma sexualité, vécue jusqu’ici comme une panacée d’intimité et d’amour pétillant, m’a rendue assumée, libre dans ma joie d’être femme et de poser mes ancres là ou j’en ai envie. Et aujourd’hui, dans l’amorce de ma trentaine, je me choisis avant tout. Ma famille, ma carrière, ma liberté, ma joie. Et je sens, aussi fort que si c’était déjà en moi, que celui que j’aimerai, celui qui viendra, aura devant lui celle qui de l’intérieur le comblera. Avec mon sourire en prime. Vous savez quoi? Je le mérite!

la trentaine, j'assume

J'ai le goût du bonheur dans la bouche.
Il se savoure comme un plaisir naïf.
J'ai 31 ans, il fait soleil ce matin. Assise sur les marches du balcon, les éclats de lumières sur la tête fière de mon chien qui renifle les écoliers, les odeurs du café qui montent de mes mains, le vent sur mes jambes, je ne fais rien d'autre qu'exister.

Il y a de ces moments, comme de minuscules états de lucidité, qui nous arrêtent juste avec leur simplicité. J'en connais. J'ai la chance du bonheur. De ceux interdits, des ridicules. Des bonheurs qu'on se paie comme des vacances, ces bonheurs joints bout à bout comme un long chemin jalonné qui m'entraîne vers d'autres. Au lieu de me retenir.

Des bonheurs empilés. Qui s'accumulent pour devenir mes remparts contre les traditions, les mises en gardes, les conseils préfabriqués; qui m'invitent à transgresser leurs besoins de désespoir pour leur montrer l'insignifiance de ces tabous.

À l'heure où les horaires se chargent de les bousculer l'un par dessus l'autre, moi je respire.

À l'heure des nouvelles du soir, alors qu'ils s'agrippent à leurs querelles quotidiennes comme à une bouée qui les fait se sentir vivants, je bois un autre café, dehors sous la même lune.

À l'heure de l'écologie, des règlements dictés par l'économie ou par ce qui est trop correct, je prends deux bains d'affilée.

À l'heure des conventions pédiatriques, je laisse dormir ma fille dans mon lit "parce qu'il sent toi, maman...".

À l'heure de leurs sommeils bourrés de voiles artificiels, remplis de leurs angoisses et de rêves d'effondrements du marché boursier, je me lève avec l'envie irrésistible d'un steak, sauce champignons-porto et m'en fait un.

À l'heure où l'égoïsme est une tare, je m'en drape et mes rires ne les rendent que plus envieux.

Allez, bonnes âmes. Échinez-vous à votre boulot qui est de traverser votre vie comme un long corridor sans fin. Moi je regarde par les fenêtres.

le désir

Juste pour te voir, dans ma ville, sous mes toits, j’enlevais mes plumes, restais nue. Sous mon toit, je me montre.
Mon corps pitié se donne, se brûle, me consume et veut tant… Sous mes rires, sous mes désirs, rien d’autre que l’envie, que le plaisir sous mes doigts juste sous mes doigts.

Ferme les yeux que j’embrasse encore… J’ai envie de te faire l’amour comme une folle, comme on te l’a jamais fait, avec chacun de mes sens, plus encore j’en inventerai….je te prendrai en moi si loin si fort que tu voudras me fermer à clé et y rester, tu t’endormiras près de moi, lové contre mon corps, ma peau, et moi je veillerai. Et quand l’heure sonnera, quand il te faudra partir, je le lirai dans ton regard ton besoin de revenir, ton besoin d’économiser les secondes, les particules de nos moments et je te dirai simplement que je t’attends. Ne parle pas.

Sais-tu qu’au téléphone je t’entends sourire? Que je vois dans tes yeux le soleil qui m’attire tant, même en ton absence? Que dans tes silences se cachent tes souvenirs de moi et que je les sens, je les vois comme un album photo, je me vois ta tête dans mon cou, je me vois ta main dans la mienne en pleine forêt, je me vois te sourire parce que simplement tu es la, sur le seuil de ma porte, et mon bonheur qui s’étale comme une confiture sur un pain chaud et qui m’embellit…. je me vois à travers tes silences.

Je t’avoue déjà que je serai là, prévois tes jours en conséquence, ne vient pas fermer les livres et me faire croire à l’impossible. Je veux juste supporter ma présence, je sais, je veux trop, je veux loin, dis moi-le pas, je sais.

l'âme soeur

Ce sera comme un chant en stéréo, tel deux enfants toujours derrière nos rires, l’image furtive d’un temps volé, d’une fête spontanée, pleine de nos voix, de nos soupirs…
Ce sera comme l’instant des blés, celui perceptible à peine d’un soleil timide, du soleil presque triste d’être déjà la-bas… Les épis flottants, des milliers de bras tirant vers les cieux leurs doigts avides, cet instant-là qu’on ne peut oublier…
Et nos regards criants d’envies, vivant le désir qui s’amuse à courir entre nos doigts gourds, nos bouches unies, et puis déjà partir sachant qu’ainsi on célèbre le jour.
Complice d’une insagesse, d’un crime trop grand pour eux, trop intime, je te veux l’espace d’un éclat. Et si les gens s’écrient au drame, on pourra toujours s’enfermer là….
Et j’ai trouvé.

24 ans

24 ans.

42 ans.

Comment savoir qu’en une seule vie on puisse réussir à en faire autant? Comment cela se fait-il que notre âge n’a rien en commun avec notre corps, notre tête, nos lits défaits et refaits comme s’il n’y avait que cela? À 24 ans j’ai l’impression qu’une tempête s’est amusée à me bousculer à travers le temps et à me replacer dans un horizon tellement différent de celui de mes voisins que je me sens une île, une île non pas déserte mais désertée…

Et puis merde.
Qu’ils en pensent ce qu’ils veulent, j’ai vingt années d’absence à combler, je ne suis pas encore sociopathe, je ne suis pas monstrueuse et ce creux ne se remplira jamais. Mais puisqu’il est si intéressant à combler…

Je ferai de mon île désertée une plazza, un centre d’attraction, un Neverland, mon corps en prime, mon esprit à la clé, mes plaisirs côtoieront les leurs et tant pis pour les blessures d’amour-propre. Ou ce qu’il peut m’en rester.

Ma psychanalyse est terminée, je connais ma détresse par cœur, je n’ai rien à foutre de leur pitié je ne veux que leurs regards… leurs regards sur moi.

Alors que pendant tout ce temps ma génération se consume d’artifices pour mieux plaire, se désolant, s’anorexiant, se complaisant dans leurs complexes montés de toutes pièces, dans leur miroir médiatique qui leur renvoie la grimace de la perfection, pendant tout ce temps moi je m’éclate.

Mon corps couturé, mes autoroutes, mes creux, mes plis, mes ordinairetés, mes attributs communs deviennent miens, deviennent tellement secondaires qu’au delà et malgré eux, je découvre qu’ils s’en foutent et finalement ne veulent même pas y penser.

Je découvre qu’être femme est telle une arme. Une arme à la fois inoffensive et réellement dangereuse puisqu’au fond notre complexité fait notre charme et que de toute manière tout se résume à ce qui se passe lorsqu’on l’utilise.

Et commençons par préciser que cette envie d’envoyer balancer les convenances se rattache très directement aux cuisses de Benoît.
Benoit.
Mon regard estomaqué devant tant de beauté, ses cuisses si hautes et longues qu’on les penserait affichées pour notre plaisir, et moi avec ma grande gueule…
-Je ne me souviens plus de ton nom… mais je vais me souvenir de tes cuisses longtemps!

Lancé sur le ton de celle qui n’a rien à perdre. Avec la même désinvolture qu’à l’achat d’un billet de loterie, rêvant de tout le potentiel de plaisirs qu’il y aurait à s’offrir mais sachant que les chances en sont d’une sur plusieurs millions! Faut croire que les hommes aiment l’attaque de plein fouet parce que huit heures plus tard, ses bras me soulevaient sur le comptoir de la cuisine, seul moyen d’être à la hauteur de ses 6 pieds 4 pouces… Me sentir fondre sous son désir né de ma propre audace…

Féministes, mordez-vous de nous avoir fait croire en l’égalité! Ce qui nous garde en vie c’est notre différence, notre attirance s’y crée et puis lorsqu’on comprend que finalement la nature humaine étant ce qu’elle est, rien ne nous empêche d’être la madone et la putain.
Même que c’est d’un agréable devoir que de tenter de réussir à vivre.

Et me voilà à vingt-quatre ans, mère, étudiante, célibataire, amante de celui qui le veut bien, comprenant enfin que tout l’infini de mon être ne veut qu’une chose mais le veut énormément : oublier.
Et l’oubli passe par les cuisses immenses et cuivrées de Benoît.
L’oubli passe par les petits pas de mon fils qui déjà, fidèle à sa nature, me repousse pour mieux m’attirer.
L’oubli passe par l’océan devant moi et moi avec ma petite cuillère pour l’absorber.
L’oubli passe par le choix inimaginable de gens prêts à vivre l’aventure avec moi, passe par la découverte de mon pouvoir stupéfiant.
L’oubli passe par ma porte ouverte à tous vents, par le Oui si facile à prononcer quand les
expériences me demandent de les suivre.
L’oubli passe par Patrick. Son ventre absolument mien. Ses yeux-radars. Son intime solitude qu’il me livre au compte-goutte. Ses rires. Ses abandons.
L’oubli passe.

la vieille dame

Je collectionne les anecdotes de ma vie comme d’autres des timbres et, comme toute bonne collection qui se respecte, j’ai l’intense impression qu’elle n’intéresse personne d’autre que la collectionneuse… Mais bon. Puisque certaines de mes connaissances m’ont fait remarqué l’immense gaspillage que constitue l’absence de ces anecdotes de la mémoire collective et que j’avais peut-être le potentiel pour les écrire, je me suis dit… pourquoi pas?

L’autre jour, alors que je travaillais encore, une dame de 92 ans m’a fait sourire. Elle me parlait depuis une heure au téléphone, de tout et de rien, elle était joyeuse et bizarre comme seules peuvent l’être des dames de 92 ans au téléphone un mardi après-midi. N’ayant rien d’autre à faire de plus intéressant que de sourire, cet après-midi là, j’ai décidé d’en profiter. Elle me racontait sa vie, en anglais, en français, en riant. Elle me disait qu’elle n’était pas seule puisqu’elle avait un frigo qui bourdonnait et fredonnait tout l’après-midi… Elle n’était pas folle, loin de là, elle prenait simplement les petits tracas de notre vie quotidienne pour amis. Elle s’amusait à me chanter les refrains de son frigo et trouvait hilarant que je retienne mon rire. Je ne l’avais jamais vue mais je l’imaginais frêle et riante, comme une ado de 15 ans ridée. Elle m’a marquée. Je n’ai pu m’empêcher de parler d’elle à mes collègues, qui, en ayant vu d’autres, ont pris mon extase pour de l’inexpérience.

Un mois plus tard, je viens de terminer ma journée, je suis sensée courir vers le rien qui m’attends à la maison, laissant le quart du soir aux soins d’une autre, quand je vois cette salle d’attente bondée… N’écoutant que mon grand cœur et mon courage légendaire, je décidai de voir une dernière personne avant de quitter.

Je prends le dossier, nomme la personne et vois s’avancer vers moi une vieille dame fragile, les yeux rieurs, les cheveux d’un blanc fier et qui me demande si je suis Elizabeth. Je lui dis que non, malheureusement, qu’Elisabeth est occupée mais que je ferai de mon mieux pour la servir aussi bien qu’elle. Elle me prends le bras, me tire vers son oreille et me chuchote : ‘Je suis sûre que tu seras tout aussi bonne…’. Je l’aimais déjà.

Elle s’installe, se met à me parler de son augmentation de loyer -qui ne doit servir que de prétexte à sa visite puisqu’elle est très en retard pour y répondre et qu’elle le sait- et soudainement, je comprends. C’est MA vieille dame! Je la regarde et lui dit que je me souviens d’elle. Elle semble incrédule.
-Se souvenir de moi alors que vous voyez tant de gens dans une journée? C’est vous Elizabeth, alors!

Elle a confondue mon nom. Mais se souvient pleinement du notre conversation décousue. Et celle-ci repart de plus belle. Sa vie. Elle était une pionnière. Elle a une famille qui l’aime encore, ce qui m’épate puisque la mienne n’a que 11 ans et déjà elle s’effrite à qui mieux-mieux. Elle observe mes mains. Remarque l’absence d’alliance et me fait remarquer que de toutes façons, les hommes de mon âge ne veulent qu’un bon repas et un lit, pour ensuite s’enfuir au petit matin. Me dit qu’elle va me trouver ‘a nice man’ et que, justement, l’autre jour chez son épicier son fils cadet semblait intéressant… Elle me raconte ma ville du temps où les femmes devaient se cacher derrière leurs grossesses, leurs maris, leurs comptoirs. Elle me raconte la mort de son fils de 24 ans il y a déjà des décennies de cela, les larmes toujours aux yeux. Elle me parle des magnifiques tapis de son appartement, des conversations entières qu’elle a eu avec des inconnus, elle me parle comme si j’étais assise sur ses genoux, à la fois petite fille et intime.

Elle restera presqu’une heure et en tout ce temps elle ne dira absolument rien digne d’être noté dans son dossier mais tout à retenir quand on cherche un sens à la vie.

Elle était magnifique et je suis sûre que même si 60 ans nous séparent, elle est en réalité une ado de 15 ans juste un peu ridée.

pendant la mission

Deux cent dix soleils se sont levés et couchés
Sept lunes seront mortes puis revenues
Deux fois l'heure aura été changée
Pendant que tu es parti.

Mille heures éveillées malgré la nuit
Trois cent mille secondes sans ton odeur
Cherché huit cent fois ton corps dans notre lit
Durant ton absence.

J'ai rentré les vélos, il neige maintenant
j'ai été seule bien des fois
mais entourée très souvent
Parce que tu es parti.

Les petites ont poussé, mon fils est plus grand que toi
La fée des dents a passé, elles y croient encore
Mais elles savent aussi compter les mois
Depuis que tu n'es pas là.

Ne sois pas triste
j'en ai lu des journaux, j'en ai découpé des milliers
Pour chaque page noircie du sable de ton désert
Pour chaque homme regardant au loin sous ta lumière
Il n'y en avait pas un qui n'était pas toi

Pas un soir sans un reportage sur qui tu es, au loin
Pas une journée sans un appel: « Alors, comment il va? »
Ne sois pas triste j'ai eu du courage
Malgré chaque nuit où l'angoisse rampe jusqu'aux oreillers
Malgré chaque matin sans s'empêcher d'y penser
Pendant que tu dors là-bas.

Tu avais ceux qui veillaient sur toi à coup d'armes
avais celles qui riaient avec moi à coup de larmes
Tu dormais dans le sable et la poussière
Je vengais mots par dessus mots comme une prière
Ces secondes sans ton odeur
Ces minutes sans tes mots
Ces jours sans ton visage
Ces nuits sans tes bras
Ces semaines décomptées
Ces mois écoulés.

Bientôt tu reviendras.