mercredi 22 octobre 2008

24 ans

24 ans.

42 ans.

Comment savoir qu’en une seule vie on puisse réussir à en faire autant? Comment cela se fait-il que notre âge n’a rien en commun avec notre corps, notre tête, nos lits défaits et refaits comme s’il n’y avait que cela? À 24 ans j’ai l’impression qu’une tempête s’est amusée à me bousculer à travers le temps et à me replacer dans un horizon tellement différent de celui de mes voisins que je me sens une île, une île non pas déserte mais désertée…

Et puis merde.
Qu’ils en pensent ce qu’ils veulent, j’ai vingt années d’absence à combler, je ne suis pas encore sociopathe, je ne suis pas monstrueuse et ce creux ne se remplira jamais. Mais puisqu’il est si intéressant à combler…

Je ferai de mon île désertée une plazza, un centre d’attraction, un Neverland, mon corps en prime, mon esprit à la clé, mes plaisirs côtoieront les leurs et tant pis pour les blessures d’amour-propre. Ou ce qu’il peut m’en rester.

Ma psychanalyse est terminée, je connais ma détresse par cœur, je n’ai rien à foutre de leur pitié je ne veux que leurs regards… leurs regards sur moi.

Alors que pendant tout ce temps ma génération se consume d’artifices pour mieux plaire, se désolant, s’anorexiant, se complaisant dans leurs complexes montés de toutes pièces, dans leur miroir médiatique qui leur renvoie la grimace de la perfection, pendant tout ce temps moi je m’éclate.

Mon corps couturé, mes autoroutes, mes creux, mes plis, mes ordinairetés, mes attributs communs deviennent miens, deviennent tellement secondaires qu’au delà et malgré eux, je découvre qu’ils s’en foutent et finalement ne veulent même pas y penser.

Je découvre qu’être femme est telle une arme. Une arme à la fois inoffensive et réellement dangereuse puisqu’au fond notre complexité fait notre charme et que de toute manière tout se résume à ce qui se passe lorsqu’on l’utilise.

Et commençons par préciser que cette envie d’envoyer balancer les convenances se rattache très directement aux cuisses de Benoît.
Benoit.
Mon regard estomaqué devant tant de beauté, ses cuisses si hautes et longues qu’on les penserait affichées pour notre plaisir, et moi avec ma grande gueule…
-Je ne me souviens plus de ton nom… mais je vais me souvenir de tes cuisses longtemps!

Lancé sur le ton de celle qui n’a rien à perdre. Avec la même désinvolture qu’à l’achat d’un billet de loterie, rêvant de tout le potentiel de plaisirs qu’il y aurait à s’offrir mais sachant que les chances en sont d’une sur plusieurs millions! Faut croire que les hommes aiment l’attaque de plein fouet parce que huit heures plus tard, ses bras me soulevaient sur le comptoir de la cuisine, seul moyen d’être à la hauteur de ses 6 pieds 4 pouces… Me sentir fondre sous son désir né de ma propre audace…

Féministes, mordez-vous de nous avoir fait croire en l’égalité! Ce qui nous garde en vie c’est notre différence, notre attirance s’y crée et puis lorsqu’on comprend que finalement la nature humaine étant ce qu’elle est, rien ne nous empêche d’être la madone et la putain.
Même que c’est d’un agréable devoir que de tenter de réussir à vivre.

Et me voilà à vingt-quatre ans, mère, étudiante, célibataire, amante de celui qui le veut bien, comprenant enfin que tout l’infini de mon être ne veut qu’une chose mais le veut énormément : oublier.
Et l’oubli passe par les cuisses immenses et cuivrées de Benoît.
L’oubli passe par les petits pas de mon fils qui déjà, fidèle à sa nature, me repousse pour mieux m’attirer.
L’oubli passe par l’océan devant moi et moi avec ma petite cuillère pour l’absorber.
L’oubli passe par le choix inimaginable de gens prêts à vivre l’aventure avec moi, passe par la découverte de mon pouvoir stupéfiant.
L’oubli passe par ma porte ouverte à tous vents, par le Oui si facile à prononcer quand les
expériences me demandent de les suivre.
L’oubli passe par Patrick. Son ventre absolument mien. Ses yeux-radars. Son intime solitude qu’il me livre au compte-goutte. Ses rires. Ses abandons.
L’oubli passe.

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